Un décor de lumière et de foi

 

les vitraux

Notre-Dame doit ajouter à sa structure, grandiose et monumentale, un décor que Guillaume Gillet veut sobre et subtil, destiné à mettre en valeur son édifice. « Il doit veiller à ne pas désorganiser par son intervention toute la musique de l’architecture, » écrit-il.

Trois surfaces de lumière composent le programme du vitrail à Notre-Dame : les verrières verticales de la partie supérieure, les vitraux losangés des déambulatoires, le triangle vitré du choeur.

Henri Martin-Granel et son fils Jean-Baptiste, appelés dès 1954, ne dessinent et n’assemblent les deux premières qu’à partir de 1965 ; Claude Idoux, après avoir bénéficié d’une souscription publique ouverte par le journal Sud-Ouest, peut poser sa verrière, dès 1958. Guillaume Gillet peine à faire admettre la participation du maîtreverrier Henri Martin-Granel. De nombreux prétendants se présentent pour réaliser le décor vitré. Le choix est probablement arrêté sur son nom, grâce à l’entremise de Bernard Laffaille. Henri Martin-Granel avait oeuvré avec lui sur le chantier de l’église de Bizerte, entre 1949 et 1953.

 
Vérrières
Les verrières hautes 
par H. Martin-Granel
selon le dessin de G. Gillet
 
 
Verrière 2
Les verrières hautes par H. Martin-Granel selon le dessin de G. Gillet
 

les verrières verticales

Vérrières 3
Les verrières hautes 
par H. Martin-Granel
selon le dessin de G. Gillet

 

Le vitrail, sur la partie supérieure de l’édifice, souligne le caractère autonome des piliers en créant un grand rai de lumière entre chaque « V ». Guillaume Gillet et René Sarger avaient même imaginé créer un interstice lumineux, entre le plafond et les piliers, afin de détacher du sol le voile de la couverture et révéler sa nature indépendante. Le projet fut abandonné pour des raisons budgétaires.Le programme vitré de la partie supérieure de l’édifice, totalisant une surface de 500 m, évoque les créations gothiques de la période qui vit s’édifier la Sainte-Chapelle. A la différence des grands livres illustrés que constituent les vitraux gothiques, le décor supérieur de Notre-Dame demeure aniconique.

 
 

Suivant les esquisses préparées par Guillaume Gillet, Marin-Granel rompt avec son propre style monumental qui laisse la part belle aux figures et aux visages. Sans discours figuré, les verrières hautes de Notre-Dame laissent le fidèle seul face à une lumière réinterprétée, filtrée pour une contemplation spirituelle. La méditation est favorisée par la douceur des couleurs utilisées : jaune, vert, bleu, rouge. Les motifs, soulignés par l’insertion perpendiculaire de plaques de verre monochrome, semblent issus du tissage.

 
Verrière 4
Les verrières hautes par H. Martin-Granel selon le dessin de G. Gillet
 

les vitraux losangés

Les vitraux losangés des déambulatoires découlent d’un véritable programme iconographique. Ils composent le Chemin de Croix qui mène traditionnellement le Christ de la condamnation à mort au tombeau. Les figures apparaissent dans des aplats de couleurs pleines, formant des silhouettes que l’on suit de losanges en losanges. Contrastant avec un fond abstrait polychrome, le Christ, en rouge, sert de fil conducteur visuel pour la lecture de l’ensemble. Les figures de la Vierge, de Simon de Cyrène, de Véronique, etc,.. apparaissent, au fur et à mesure, bleues, vertes, jaunes, orangées… L’attitude et le geste sont renforcés pour délivrer la quintessence du message de douleur. Pourtant, le programme, présenté par les Martin-Granel et validé par la Commission Diocésaine d’Art Sacré, en 1964, s’éloigne quelque peu du strict Chemin de Croix qui compte normalement 14 stations, fixées au XVIème siècle, puisqu’il propose 18 panneaux vitrés qui ajoutent 4 compositions abstraites aux 13 stations figurées – au sujet plus ou moins éloigné des 14 scènes traditionnelles - et une croix, seule symbole de la Résurrection. Ce choix quelque peu libéré des contraintes liturgiques classiques (Apparition de Pilate, une Piéta…) correspond assez bien au débat qui règne au moment de la tenue du concile Vatican II (du 11 octobre 1962 au 8 décembre 1965) sur les dispositions qui ont trait à la rénovation liturgique, connues dès le 4 décembre 1963.

 
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le triangle vitré du choeur

Le dernier élément de vitrail se situe au coeur de l’édifice, encastré dans l’imposant « V » qui forme à la fois l’abside centrale et le clocher. Loin de prolonger l’ambiance feutrée des verrières des Martin-Granel, ce vitrail, réalisé par Claude Idoux en 1958, illumine toute la nef de ses couleurs rouges, bleues et dorées, changeant l’autel en buisson ardent. Auteur des verrières du vaisseau central et des chapelles de l’église Saint-Rémy de Baccarat, le peintre Claude Idoux retrouve à Royan le matériau qui restitue cette lumière irradiante : les dalles de cristal coloré mises au point par les ingénieurs de la cristallerie de Baccarat. Le caractère graphique et pictural de Saint-Rémy s’exprime aussi sur la verrière royannaise.

 
Vitrail du choeur - Cl. Idoux
La verrière de l’Assomption de C. Idoux
 
 

Claude Idoux propose même à Guillaume Gillet une collaboration sur l’ensemble de l’édifice et dresse un plan. Le projet est rejeté par l’architecte. Ses lignes et ses couleurs ne s’adaptent en rien à l’édifice majestueux et austère. Seul, le vitrail du choeur verra la lumière. Triangulaire, celui-ci occupe le « V », cher à Guillaume Gillet, en parfaite réponse à celui qui ouvre l’entrée. Claude Idoux s’inspire de la « Vierge de la médaille miraculeuse » de la rue du Bac à Paris, célèbre image populaire de l’apparition de la Vierge, en 1830, à une soeur des Filles de la Charité. Seul élément figuratif, elle est représentée lors de l’Assomption, auréolée de douze étoiles, au manteau prolongé des rayons solaires, sur un globe où s'agite un serpent de couleur verdâtre. Selon la vision de la moniale, cette boule représente à la fois le monde entier, la France, et chaque personne en particulier. Le démon cherche à y étendre son emprise et Marie entrave sa marche en le foulant aux pieds. Le reste de l’iconographie procède, plus traditionnellement, du texte de l’Apocalypse : « Un signe grandiose apparut dans le ciel : une Femme, ayant le soleil pour manteau, la lune sous les pieds et, sur la tête, une couronne de douze étoiles. » (Apocalypse 12, 1). L’Assomption avait d’ailleurs été proclamée dogme, en 1950, par Pie XII. Elle constitue aussi le sujet central du tympan de l’église Notre-Dame de l'Assomption du Parc.

Le programme de vitrail à Notre-Dame, par manque de financement – la ville de Royan ayant dû recourir au budget municipal pour financer les verrières -, n’a pu être terminé totalement. Sur les murs du choeur subsistent des panneaux en plastique, masquant mal des ouvertures non vitrées. En 1995, la Direction Régionale des Affaires Culturelles confie à Henri Martin-Granel le soin de vitrer les côtés Nord et Sud du choeur. Ainsi, au Sud, sur un fond jaune, trois scènes de la vie de la Vierge se succèdent : L’Annonciation, la Naissance de Jésus et la Fuite en Egypte. Au Sud, sur un fond bleu, trois scènes de la vie de Jésus : Les Noces de Cana, la Pêche miraculeuse et le Baptême du Christ. Le style de Granel, cette fois, s’affirme et prend la forme d’une frise figurative où l’imitation de l’art mosaïque est poussée jusqu’à ajouter en toutes lettres le nom des protagonistes des scènes exécutées. Sur ces nouvelles scènes, réapparaît une figuration et une mise en page que Martin-Granel avait déjà utilisées à Bizerte ou à La Réunion pour la cathédrale de Saint-Denis.

 

la sculpture

L’architecture est tellement prééminente à Notre-Dame que la sculpture semble être restée au second plan. Guillaume Gillet avait pourtant dessiné lui-même – tout le mobilier est issu de sa propre plume - un Christ en croix qui devait se tenir derrière l’autel, mais qui n’y fut jamais fixé. Il conçoit, à l’entrée un bénitier en forme de poisson, fixé sur un pied en voile de béton, dans l’esprit de l’autel. Un galet forme l’oeil du poisson. Les chapelles, situées dans les galeries, possèdent également leur propre autel décrivant une même envolée de béton.
Les crédits affectés à la reconstruction de l’édifice ne pouvaient prendre en compte que le gros oeuvre. Aucune ligne budgétaire ne prévoyait l’achat d’oeuvre plastique. L’installation du décor plastique a aussi entraîné de nombreuses polémiques qui ont abouti à une réorganisation des statues dans l’espace.

 
Autel
G. Gillet examine la table d’autel qu’il a dessiné
 

la vierge noire

Vierge noir
L’Immaculée Conception 
de G. Watkin
 

L’Immaculée Conception - « la Vierge Noire », pour les Royannais - accueille à l’entrée le pèlerin. L’artiste, Gaston Watkin, né en 1916, devint élève de Paul Landowsky et Marcel Gaumont à l'école des Beaux-Arts de Paris. 1er grand prix de sculpture, Watkin fut pensionnaire de la villa Médicis à Rome, entre 1947 et 1950, où il rencontra Guillaume Gillet. Son oeuvre, en plomb, montre l’ampleur et la majesté, droite et impérieuse, de la Vierge, Mère de Dieu. Elle est créée en 1958, en harmonie avec « l’austère beauté » de l’édifice. On l’a accusée de ne pas porter l’Enfant, comme toute bonne mère de l’Enfant Jésus. La commission d’art sacré et le curé sont aussi intervenus : elle ne pourrait pas entrer dans l’église tête nue ! L’artiste l’affuble d’un modeste voile. Mais rien n’y fait. Rejetée, elle est reléguée loin de son emplacement originel, sous la nef - là où trône désormais la vierge dorée – pour dominer l’escalier d’entrée. Guillaume Gillet associera Gaston Watkin à d’autres projets, après Royan.

 
 

A gauche de l’entrée, en suivant les chapelles latérales, se trouvent successivement : Saint Antoine de Padoue avec l’enfant Jésus – haut-relief en cuivre repoussé du sculpteur Jean-Pierre Pernot , actuellement membre de la commission de l’assemblée nationale pour le patrimoine - Sainte Thérèse de Nadu Marsaudon et Sainte Jeanne d’Arc de Jacques Perret. La nef accueille une statue dorée de style saint-sulpicien du XIXème siècle offerte par les paroissiens en 1993, qui crée un fort contraste avec le style de l’édifice. Un Christ crucifié, en bois, sculpté par le père Michel Aupetit en 1998, surmonte le choeur. Dans les chapelles, côté Sud, un Christ bourguignon du XIVème siècle repose dans une vitrine, à proximité d’une Mise au Tombeau, peinture de Benoît Dragon. Saint Joseph, autre oeuvre de Jacques Perret, se tient à proximité.

 
Sainte Thérèse
Sainte Thérèse de Lisieux
par N. Marsaudon
 
 

sainte thérèse de lisieux, sainte jeanne d’arc et saint joseph

En 1951, à 18 ans, Nadu Marsaudon taille une sculpture à partir d’un bloc de calcaire, Villa Roche Fleurie, rue des Semis. A la demande de sa mère, elle représente Sainte Thérèse de Lisieux. Cette oeuvre s’inspire de la tradition romane par le geste : la main en prière, ouverte au pèlerin.
Le voisin de Nadu Marsaudon, le curé de l’église du Parc, convie le chanoine Raud, curé de Notre-Dame, à découvrir la statue. Marsaudon propose à Guillaume Gillet de lui offrir son oeuvre et même de réaliser la statue phare de l’Immaculée Conception – que Watkin exécutera - . Gillet décide d’installer la statue de Sainte Thérèse à Notre-Dame, dès son inauguration en 1958.

 
Jeanne
Sainte Jeanne d’Arc de J. Perret
 

Quant à Jacques Perret, auteur de Sainte Jeanne d’Arc et de Saint Joseph, il manie la tôle métallique, le fer ou l’acier, pour des représentations dépouillées et symbolistes. Jeanne d’Arc voit son corps formé par le célèbre étendard qui lui a permis de libérer Orléans et une épée.
Son visage se synthétise en un casque. Le matériau, du fer calciné, constitue une puissante évocation du martyre de la sainte combattante. Saint Joseph, rarement représenté sans l’enfant Jésus, offre ici au fidèle ses seuls instruments de charpentier :

 
 

le marteau et le ciseau, dans une composition synthétisée rappelant la forme d’une cheville, symbolisant son rôle dans l’éducation de Jésus.

 
 
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Notre-Dame, le symbole
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